Communiqués

UJRE et proposition de résolution Maillard:

Lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les députés

Mesdames et Messieurs les députés,

Notre association, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE), vous le savez, est née pendant la Seconde Guerre mondiale de la lutte menée contre l’occupant nazi par la section juive de la MOI, qui a l’honneur de compter dans ses rangs des résistants héroïques, en mémoire desquels elle a fondé l’Association pour la mémoire des résistants juifs de la MOI. De ce fait, elle est peu suspecte d’antisémitisme y compris dans les colonnes de sa revue, la Presse Nouvelle Magazine.
L’UJRE a salué la création de l’État d’Israël, décidée, faut-il le rappeler, par les Nations Unies, tout en multipliant les actes de solidarité envers le jeune État.

Vous êtes amenés à vous prononcer sur une résolution relative à l’antisionisme et à l’antisémitisme, dite résolution Maillard. Rappelons la polysémie du terme même d’antisionisme qui conduit à le relativiser par son contexte historique. Au nom de ses luttes passées et présentes, l’UJRE, qui n’a garde de confondre ces deux notions, vous demande instamment, lors de votre examen, de repousser cette résolution.

Ce texte est dangereux pour la liberté d’expression, il reprend la définition de l’antisémitisme de l’IRHA, définition qui pose problème. Prise isolément, ce n’est qu’une banalité, mais elle prend sens par les exemples qu’elle fournit. Or, comme l’a noté la CNCDH, ces exemples sont restrictifs car centrés principalement sur l’attitude que l’on aurait à l’égard d’Israël ; ils tendent à instaurer une identité de sens entre antisionisme et antisémitisme, qui reprise dans l’exposé des motifs, va jusqu’à considérer Israël comme un « État composé de citoyens juifs » alors que 20 % de sa population n’est pas juive.

La question de la relation entre les deux termes, antisionisme et antisémitisme, apparaît confuse et mal posée.

  • D’une part, il est incontestable que certains courants de l’extrême droite fascisante utilisent le masque de l’antisionisme pour camoufler leur antisémitisme.
  • D’autre part, l’antisionisme radical qui envisage un invraisemblable « retour à zéro » comme solution au conflit du Moyen-Orient mène aussi à l’antisémitisme.

Pour autant, toute idée antisioniste ne saurait, automatiquement, être considérée comme délictueuse car c’est avant tout une prise de position politique. Seule une instruction judiciaire indépendante, spécifique à chaque cas, pourrait constater et juger de l’existence d’un délit, dans le cadre du dispositif légal déjà existant, qui suffit parfaitement à définir le délit d’antisémitisme. Le gouvernement français a d’ailleurs renoncé à instaurer en mai dernier un « délit d’antisionisme ». Il reste que la résolution qui vous est soumise, comme son rédacteur ne s’en cache pas, tend à peser sur l’interprétation des tribunaux dans le sens d’une assimilation générale entre antisionisme et antisémitisme.

L’UJRE s’oppose à l’assimilation des deux termes, et donc à la « résolution Maillard » car :

  1. De nombreux juifs se déclarent antisionistes, en Israël ou ailleurs, pour des raisons politiques ou culturelles. C’était également le cas de nombreuses victimes du génocide des juifs. Il serait absurde et offensant de les soupçonner d’antisémitisme.
  2. Certains groupes sionistes n’hésitent pas à se déclarer hostiles aux juifs.
  3. Les Palestiniens et ceux qui les soutiennent en France, vivent le sionisme comme un mouvement politique à l’origine de leur dépossession et de leur oppression. Leur reprocher ce ressenti, c’est contester le droit à la création d’un État palestinien, droit que l’Assemblée nationale a pourtant, reconnu.

Nous pensons que la lutte contre l’antisémitisme doit avoir lieu sur des bases universelles, au même titre que la lutte contre toutes les autres formes de racisme et d’obscurantisme, à l’encontre de la haine.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas voter cette résolution.

Paris, le 29/11/2019

Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide
Président d’honneur : Adam Rayski
Président : Jacques Lewkowicz,
Présidente déléguée : Claudie Bassi-Lederman
Secrétaire générale : Raymonde Baron